LE MONDE | • Mis à jour le |Par Simon Piel
Après la réaction plus que mesurée de l'exécutif français à la suite des révélations d'Edward Snowden sur le système d'espionnage mondial mis en place par l'agence américaine de sécurité (NSA), la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et la Ligue des droits de l'homme (LDH) ont conjointement déposé une plainte contre X, jeudi 11 juillet, auprès du procureur de la République de Paris. Celle-ci pointe plusieurs infractions: l'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, la collecte illicite de données personnelles, l'atteinte à la vie privée, ou encore l'atteinte au secret des correspondances électroniques. Un large éventail à la mesure des faits dénoncés par l'ancien technicien de la NSA, relayés par le Guardian, le Washington Post puis le Spiegel.
Publiant au compte-gouttes les documents qui leur avaient été transmis, ces journaux avaient notamment mis au jour l'existence d'une surveillance massive des moyens de communication numériques. La NSA, comme le FBI, collectent et analysent depuis des années les données laissées en ligne par des millions de personnes aux Etats-Unis et à l'étranger.
A travers un système baptisé "Prism", les deux agences américaines peuvent ainsi scanner les communications échangées sur Facebook, Google ouMicrosoft. Des affirmations démenties depuis par les entreprises concernées qui n'ont pas nié pour autant des collaborations ponctuelles avec la NSA dans le cadre de procédures judiciaires définies. Fin juin, on apprenait que les Etats-Unis, via la NSA, s'étaient livrés à des opérations d'espionnage sur leurs alliés, notamment les Européens. Plusieurs ambassades à Washington, ainsi que certains sites protégés de l'Union européenne ont ainsi été mis sur écoute.
Voir notre infographie : Comprendre le programme "Prism"
Pour Patrick Baudouin, avocat et président d'honneur de la FIDH, "ces accusations, d'une gravité exceptionnelle, n'ont pas suscité de réactions à la hauteur. Depuis le Patriot Act, en 2001, il y a eu des dérives constantes au nom de la lutte contre le terrorisme. On s'est affranchi de tous les garde-fous que comportent les démocraties quand il s'agit d'investiguer sur les citoyens tout en instrumentalisant les peurs à des fins démagogiques. L'utilisation des drones, en dehors de toute légalité internationale (...), repose sur le même principe." Michel Tubiana, l'avocat historique de la LDH, ne dit pas autre chose. "On ne peut pas impunément, de manière impériale, projeter sa législation hors de ses frontières sans avoir de comptes à rendre."
De quoi inquiéter Barack Obama ? "Il faut être réaliste et modérément optimiste,répond Me Baudouin. On ne sous-estime pas la difficulté que l'on pourraitrencontrer avec les services de sécurité américains même s'il y a des moyens de correspondance judiciaire avec les Etats-Unis, qui restent un Etat de droit. Par ailleurs, les sociétés privées qui se sont prêtées au jeu, dont certaines ont des filiales en Europe, pourraient donner des réponses sur le fond, les moyens qu'elles mettent en œuvre aujourd'hui pour protéger la vie privée des citoyens français, et en creux, leur responsabilité dans cette affaire."
INITIATIVE ISOLÉE
Pour l'instant, cette initiative de la FIDH et de la LDH paraît bien isolée. Seule l'association "Europe versus Facebook", composée notamment d'étudiants autrichiens, a annoncé avoir déposé une série de plaintes contre les filiales européennes de Facebook, Apple, Microsoft, Skype et Yahoo! pour leur collaboration présumée avec la NSA dans le cadre du programme Prism. Après les révélations du Monde sur un Big Brother français, une plainte contre les pratiques de la DGSE, hors de tout cadre légal, est à l'étude chez les organisations de défense des droits de l'homme.
Du côté des responsables politiques, la chancelière allemande s'est pour la première fois exprimée sur Prism dans un entretien publié jeudi par l'hebdomadaire Die Zeit. Si elle y défend la protection des données personnelles, elle assure que "le travail des services de renseignements dans une société démocratique a toujours été indispensable pour la sécurité des citoyens et le restera à l'avenir".
Une position centriste à l'image de celle de la France qui, tout en condamnant les pratiques des services de renseignement américains, a rejeté la demande d'asile d'Edward Snowden, refusant par ailleurs que l'avion présidentiel bolivien supposé le transporter survole son espace aérien. "La France est un nain politique qui n'a pas les moyens de ses indignations", déplore ainsi Me Emmanuel Daoud, avocat de la FIDH et dont le cabinet jouxte l'ambassade américaine.
Simon Piel
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